Le Lonely Planet l’a dit : « il y a aux Banda une tradition culinaire liée au passé, la route des épices ».
Celle-ci valut aux îles Banda d’être une proie pour les hollandais et les anglais qui s’en disputèrent allègrement et pendant plus de 200 ans la propriété.
La trace de ces longues périodes d’occupation est visible dans toute l’île où l’on trouve des rues pavées à 4 voies,
d’anciennes habitations coloniales, des vestiges de la Compagnie des Indes Orientales (la V.O.C) sur les maisons,
le fameux fort Belgica de pure style Vauban (lieu stratégique de défense)… et ce, jusque dans l’hôtel Maulana où trônent des canons authentiques (pour plus d’informations, on peut lire le très intéressant article trouvé sur le site Baliautrement)
Si ces habitations font partie du passé, le présent a su conserver la culture des épices ainsi que l’art de les accommoder: muscade, clou de girofle et noix de kenari sont les principales épices que l’on trouve ici.
C’est la première chose que l’on voit quand on descend du bateau: sur les nombreux étals installés dès que le ferry est annoncé, s’amoncellent des petits sachets de toutes tailles où clous de girofle, noix de muscade, poivres divers et clous de girofle titillent le nez du voyageur.
Plus loin dans les ruelles, des écorces sèchent au soleil. Nous apprendrons par la suite que c’est l’enveloppe, le fruit de la noix de muscade.
Nous ne connaissions pas la noix de kenari au goût si particulier proche de la noix de Macadamia et dont la forme se rapproche de nos amandes. Pillée, grillée, en lamelle, en nougat, dans des plats en sauce ou dans les salades, la noix de kenari est un pur régal. Il faut goûter les aubergines à la noix de kenari, une spécialité des Moluques… Hum !!!!
Quant à la noix de muscade, notre cuisine occidentale l’utilise principalement pour relever des plats en sauce, le fromage et … le vin chaud. Ici, elle est partout: râpée ou concassée, elle donne aux plats de la cuisine des Banda, une note particulière et a, paraît-il, un pouvoir psychotrope. On la retrouve dans les légumes, dans la soupe, comme ingrédient principal dans l’assaisonnement de boulettes de poisson, comme celles que nous avons goûtées au Mutiara Guest-House.
Si nous n’utilisons que la noix, ici, rien ne se perd: la fine couche dentelée orange vif qui entoure la noix, le macis, est utilisé pour les plats au curry (comme en Inde d’ailleurs).
Mais le plus étonnant est l’utilisation de la bogue de la muscade : cuite avec du sucre pendant de longues heures, elle donne une confiture un peu aigre faisant penser à de la gelée de framboise; séchée, confite, parfois épicée, elle ressemble à du gingembre confit.
Nous sommes allés voir ces plantations :
l’arbre de kenari, immense, protège le muscadier du soleil,
l’écorce du « cannelier » fut découpée sous nos yeux afin d’en goûter et respirer la saveur,
nous avons pu voir comment, à l’aide d’un système ingénieux se récoltait la muscade. Superbe ballade au frais, plaisir des yeux et … des narines.
Les îles Banda, point de départ de la route des épices? Pour nous, ce sera le point de départ de la croisière « plongée gastronomie » que nous avons organisée avec Wallacea sur l’Ambai en mai 2015. C’est pour cette occasion que la page « spicyploufagain » a été créée.
Au Mutiara (Guest-House à Banda Neira), c’est l’heure de la préparation du diner : comme tous les soirs, 15 personnes sont attendues ce soir.
Vers 16h, Dili, (la femme de Abba, propriétaire des lieux) se met aux fourneaux : 2 petits feux posés à 50 cm du sol (c’est moins fatiguant pour le dos) suffiront pour préparer tous les plats.
Au menu ce soir, le thon est à l’honneur : soupe aux boulettes de thon, salade Banda, aubergines à la sauce Kenari, galettes (ou burger) de thon, Gado-Gado (légumes à la sauce cacahuètes) ainsi que, comme tous les soirs, un poisson grillé au barbecue, suffisamment gros pour que tout le monde soit servi abondamment.
Tous les produits sont frais, achetés au marché et, tout en me montrant les différents ingrédients nécessaires au diner, Dili m’explique que l’on trouve peu de fruits et légumes sur l’île. Pourtant l’eau est abondante et les terrains fertiles, mais vivre de la noix de muscade semble plus facile que de cultiver un potager ! Facile peut-être, mais rentable ? Cela est une toute autre question…
Tout en parlant, Dili s’affaire : le thon est coupé en morceaux, citronné, une partie sera mixée, une autre grillée… puis mis de côté. Elle attrape une poignée de légumes, la jette dans l’eau bouillante, met dans un mixer un mélange d’ail, de piment et d’échalotes. Les gestes sont sûrs, rapides, à croire qu’elle a plusieurs mains. Pendant ce temps, sa fidèle assistante a râpé de la noix de coco qu’elle mouille à l’eau, la malaxe puis filtre le jus : on obtient ainsi un lait de coco gouteux, épais. Elle recommencera deux fois la même opération, remplissant 3 bols de densités différentes qui serviront soit comme base de sauce, agrémenter un bouillon ou autre … Pour le gado-gado, la pâte de cacahuète est déjà prête: elle en a préparé 3 kgs la semaine dernière et déjà, elle arrive à la fin de son stock. Et là encore, ce n’est pas une mince affaire: piler les cacahètes jusqu’à obtenir une pâte épaisse, puis mélanger avec du sucre de palme et quelques autres substances secrètes!
Dehors, sur le barbecue, le poisson grille. Il cuira à feu très doux pendant 2 heures et sera servi moelleux, accompagné d’herbes coupées.
Une odeur émane des fourneaux : dans le wok grésille de l’huile de coco ainsi que de la citronnelle, un mélange de choux, de carottes et d’oignons, les légumes verts, comme les haricots sont toujours cuits en dernier. Ils seront croquants, à peine cuits. J’attrape un « économe », épluche, coupe en tronçons les quelques carottes manquantes. Ce sera ma modeste contribution, préférant me faire toute petite dans u coin de la cuisine, afin de ne pas déranger. Dili rit …
Petit à petit, les plats prennent forme : on confectionne les boulettes de thon qui iront dans un bouillon, les galettes de thon assaisonnées avec de multiples ingrédients seront passées au wok (toujours dans l’huile de coco).
La noix de kenari a été pilée, mélangée à du piment, de l’ail, de l’échalote, du galenga. Ce mélange sera la base du curry auquel on ajoutera du lait de coco, tout d’abord un peu du 3ème jus pour mouiller puis ensuite le bol entier de la première pression. Couleur, odeur, saveur … je ne me contente plus de regarder, je goute. Dili me demande mon avis sur l’assaisonnement.
Garam ? Faut-t-il ajouter du sel ? Elle sort d’un placard le sel, d’un petit sac suspendu des oignons, d’un bol du frigo des légumes, d’un seau posé sur le sol les noix de kenari…. Quelle organisation ! Un marteau apparait dans ses mains, elle concasse une noix de muscade qui ira dans un bouillon, ainsi que la pâte de crevette, une tige de citronnelle, des légumes dont j’ignore le nom … je perds le fil des opérations.
Les plats en attente s’accumulent sur le plan de travail, la sauce kenari est prête, Dili la verse sur les aubergines déjà grillée. Hop, une poignée de céleri coupé (fait office de persil plat), un peu d’oignon grillé et le plat est terminé. Les finitions se feront sans moi, une façon de préserver quelques secrets ?
J’ai l’impression d’avoir reçu un immense cadeau : l’honneur de partager les 3 heures de préparations de ce qui s’est avéré être un véritable festin.
Demain, nous irons visiter la plantation de Abba, là d’où viennent la muscade, le clou de girofle, la cannelle de Dilli
Vue panoramique de la baie de Banda-Neira, lors d’une grande ballade dans des plantations de noix de muscade, amandes de Kenari, canelle, clous de girofle …. Hum! (article à venir)
Ce que j’aime dans cette photo? Le regard étonné de cet enfant tenant précieusement son abécédaire, la forme et la couleur de ses tongues « maison » qui tranchent dans le décor ….
Après Lucipara et Gunung Api, nous continuons notre périple vers Sorong via le port de Banda Neira, Koon et Missol, autant de noms qui nous ont fait rêver pendant plus d’un an, chacuns étant chargés d’histoires racontées par les uns ou les autres …
Situé au Sud-Est des Moluques, l’archipel de Banda doit à son sol volcanique, la production du muscadier, une plante indigène dont le commerce suscita la convoitise des portugais, des anglais puis des hollandais durant les 16ème et 17ème siècles. La culture des épices (poivres divers, clou de girofle, cannelle ….) fit la réputation de l’archipel dont l’île principale, Banda Neira, garde encore des traces de ces différentes occupations coloniales.
Depuis qu’on nous avait parlé des épices de Banda, je rêvais de me promener sous ces arbres, de respirer ces essences odorantes, de goûter aux fruits et aux graines avant séchage et traitement. Ce rêve reste intact, car « l’île aux épices » se trouve à plusieurs heures de bateau du port de Banda où nous avons dû nous arrêter pour approvisionner le bateau en fuel.
Pas d’épices? Tant pis ! Nous plongerons sous le bateau, où nous avons la surprise de voir des poissons mandarins[1].
Des mandarins en plein jour ? Pas possible ! Ces poissons incroyables aux lignes sinueuses orange sur fond bleu et aux curieux dessins colorés de bleu, orange, vert, pourpre, jaune … sont très craintifs et ne sortent qu’à la tombée de la nuit pour accomplir une magnifique danse d’accouplement où le mâle et la femelle tournent l’un autour de l’autre.
Habituellement, ils se cachent dans les vieux récifs coralliens composés de squelettes de coraux morts, mais ici, à Banda, on les trouve aux abords de masses rocheuses où ils offrent aux plongeurs un spectacle quasi permanent. Faciles à apercevoir, mais pas faciles à photographier. Ces petites merveilles sont en perpétuel mouvement !
Bien que nous soyons dans un port, l’eau est incroyablement claire (pour preuve la couleur de ces ascidies) loin de la saleté vue lors de certaines « muck-dives » – ou plongées poubelles – comme dans le port d’Ambon par exemple!
Bien sur, nous avons mis les pieds sur la terre ferme : visite du Fort Belgica – vestige de l’occupation Hollandaise au 17ème, balade entre les anciennes bâtisses coloniales qui dénotent dans le paysage. Quel contraste avec les ruelles où pullulent de minuscules échoppes dans lesquelles on trouve tout et n’importe quoi. C’est là que nous avons tout de même trouvé les fameuses épices ainsi que des préparations sucrées à base de macis séché (écorce de la muscade), petits sachets que nous avons minutieusement trimballé jusqu’à notre retour à Paris, soit 1 mois plus tard !
Après le coucher du soleil, le bruit des pompes à diesel et des moteurs font place au silence, la mer devient lisse, les pêcheurs rentrent tranquillement. Tout s’apaise…
Quel calme ! Demain nous reprendrons la mer et nous ferons nos dernières plongées dans la mer des Banda, avec sa flore quasi intacte et grandiose, son bleu profond, ses tombants colorés …
Y’a pas à dire, la réputation de la région n’est pas surfaite ! La variété et l’intensité des couleurs font partie des Banda, à l’image de ce gamin rencontré au détour d’une rue …
[1] – Le poisson mandarin, nommé Synchiropus splendidus appartient à la famille des dragonnets.